Ces divergences se sont illustrées vendredi soir lors d'une réunion organisée à Pian-sur-Garonne (Gironde) par le "collectif des viticulteurs". Né en mai dernier, fort de quelque 500 adhérents, ce collectif organise des manifestations pour faire entendre la voix des petits producteurs.
En trois heures de réunion avec les responsables de la filière, un seul point de consensus : la viticulture bordelaise est en proie à une grave crise en raison notamment de la surproduction, de la concurrence étrangère et de la baisse de la consommation.
Et pour le collectif, subsiste un sentiment général de déception et d'incompréhension, malgré les arguments de Christian Delpeuch, président du Conseil interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), Alain Vironneau, président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux supérieurs et Allan Sichel président de l'Union des maisons de Bordeaux, un des syndicats de négociants.
"C'est un monologue. Ils nous disent de faire des efforts, ils nous disent qu'il y a des choses dans les tuyaux, mais on ne voit rien arriver", constate avec amertume Didier Cousiney, président du Collectif.
Il demande la fixation d'un prix plancher à 1.000 euros le tonneau de rouge alors que le cours est tombé cette année à environ 750 euros avant de remonter, mais sans jamais franchir le seuil minimum considéré comme rentable.
Pour le président du CIVB, il est impossible de "négocier un prix plancher" du tonneau, en raison notamment de la réglementation européenne.
"Même si on avait la possibilité de signer un accord de 1.000 euros le tonneau, cela ne règlerait qu'une partie du problème de la surproduction", selon lui.
Vendredi soir, les responsables ont martelé la nécessité d'adapter les produits au goût du marché, avec notamment des notes beaucoup plus sucrées.
"Il faut que les viticulteurs comprennent que le métier change et que nous devons faire un vin qui sera vendu", souligne ainsi Alain Vironneau.
"Nous ne pouvons plus à Bordeaux nous contenter de rester dans une logique de l'offre qui revient à produire des vins comme on l'entend pour ensuite essayer de les vendre. Il est nécessaire de bifurquer vers une logique de la demande", selon Allan Sichel.
Un point de vue qui reflète l'opinion des négociants, mais soulève la colère de plusieurs adhérents du collectif.
"Ce n'est pas en nous disant que nous faisons pas du bon vin que nous sortirons de la crise", lance, excédée, une viticultrice.
"On nous dit de modifier notre vin mais la réglementation est tellement rigide que ce n'est pas faisable", rétorque Denis Pelle, un jeune viticulteur.
Concernant les primes à l'arrachage des vignes, envisagées pour endiguer la surproduction, le président du CIVB a annoncé qu'un accord était en passe d'être signé. Il a espéré que les collectivités locales débloqueraient des enveloppes suffisantes pour que les primes atteignent "au minimum à 12.000 euros par hectare".
Si les viticulteurs ont bien accueilli cette nouvelle, ils n'ont pû s'empêcher de pester contre les représentants de la filière qui ont "laissé planter de la vigne il y a 10-15 ans n'importe où".
A défaut de solutions concrètes, le collectif a menacé d'"actions d'envergure dans les mois à venir". |